
dr Laurent Goubau
QU'EST-CE QUE C'EST?
L'orteil en marteau est une affection fréquente des orteils, touchant principalement les femmes de plus de 50 ans. Selon la forme des orteils, on parle de déformation en griffe ou en marteau, selon les articulations touchées. Avec le développement des connaissances sur le sujet, cette classification perd progressivement de sa pertinence. On s'intéresse désormais à la nature flexible, semi-rigide ou rigide de la déformation, selon la capacité de l'orteil à retrouver facilement sa position normale.
L'orteil est normalement en extension, ce qui dépend essentiellement de l'équilibre entre les tendons du pied. Les tendons attachés aux phalanges assurent la mobilité des différentes articulations et permettent leur flexion ou extension. Il s'agit d'un équilibre délicat où chaque tendon doit recevoir une compensation des autres pour que l'orteil reste en position de repos.
Si l'un de ces tendons est plus puissant ou s'est simplement raccourci avec le temps, une déformation en flexion ou en extension est rapidement observée, due au déséquilibre entre les tendons et à l'incapacité du corps à compenser la rétraction. La forme de l'orteil dépendra alors du ou des tendons affectés.
Le plus souvent, le premier signe est une rétraction des muscles fléchisseurs de l'orteil, ce qui déclenche une flexion de la première articulation interphalangienne. Une déformation de l'articulation métatarsophalangienne peut ensuite se développer à la base de l'orteil, ce qui lui donne sa forme caractéristique en marteau. Dans cette position, l'orteil devient rapidement inconfortable dans les chaussures en raison de la pression excessive entre l'articulation interphalangienne et la chaussure. Un cor (ou durillon), qui est en fait un épaississement de la peau protégeant l'orteil de cette pression, se développe alors.
Bien que la déformation articulaire puisse initialement être atténuée, elle entraînera progressivement un raidissement et une inconfort de plus en plus important. Finalement, une luxation de la base de l'orteil peut être observée. Ce type de cas représente la forme la plus grave et provoque généralement des douleurs sous-pieds.
Bien que ces déformations puissent se présenter de manière isolée, elles sont généralement associées à d'autres affections. La plus fréquente est l'hallux valgus (oignon), qui entraîne systématiquement une surcharge des orteils adjacents et facilite grandement la rétraction des tendons des orteils, et donc leur déformation. Parmi les autres causes d'orteils en marteau, on peut citer les voûtes plantaires hautes, la neuropathie du pied, la polyarthrite rhumatoïde, etc. Le port de talons hauts, des chaussures inadaptées ou un pied grec (c'est-à-dire lorsque le deuxième orteil est plus long que le premier) sont d'autres facteurs pouvant favoriser le développement d'orteils en marteau, soit en raison d'une mauvaise position des orteils dans les chaussures, soit d'une surcharge de l'avant-pied.
PRÉSENTATION CLINIQUE
La pression dorsale de la chaussure sur l'orteil est généralement le premier symptôme. En cas de déformation rigide, le cor peut se blesser et former un ulcère, puis s'infecter. Il s'agit d'un signe d'alerte important, notamment chez les patients diabétiques dont les orteils sont une source majeure de complications.
Les cas graves d'orteils en marteau entraînent des modifications de la pression au niveau de l'extrémité de l'orteil. Normalement, à l'extrémité de l'orteil, la charge est supportée par la partie charnue (appui orteil-sol). En cas d'orteil en marteau, l'orteil appuie sur la partie la plus terminale (appui apical), qui est totalement inadaptée à cet effet et provoque une douleur intense.
Enfin, lorsque l'articulation métatarsophalangienne est touchée, des douleurs articulaires (syndrome du deuxième doigt) sont souvent ressenties en raison de l'instabilité de l'articulation. Si cette instabilité progresse, une luxation partielle puis une luxation complète de la phalange peuvent survenir en raison de la rupture de la plaque plantaire. Dans ce cas, une pression importante est alors transmise à la tête métatarsienne, augmentant la charge à ce niveau, déclenchant une métatarsalgie classique.
QUAND DEVRAIT-ON CONSULTER UN SPÉCIALISTE ?
Lorsque l'orteil en marteau provoque une pression douloureuse dans la chaussure ou lorsque l'articulation métatarsophalangienne devient sensible, il est fortement conseillé de consulter un spécialiste.
Les orteils des patients diabétiques nécessitent une surveillance régulière et ils doivent consulter dès que des lésions ou des blessures cutanées apparaissent.
TRAITEMENT NON CHIRURGICAL
Le traitement conservateur consiste principalement à modifier le chaussage. Privilégiez des chaussures souples et confortables, sans zones de pression. Le port de chaussures étroites ou à talons hauts aggrave les symptômes et doit être évité.
Un traitement par un podologue couvrira la plupart des options non chirurgicales. L'excision des callosités peut souvent réduire considérablement les symptômes. Des semelles orthopédiques en silicone peuvent être utilisées, car elles réduisent partiellement la déformation (uniquement pour les orteils souples) et protègent contre la pression et les frottements.
TRAITEMENT CHIRURGICAL
Lorsque le traitement conservateur n’est plus suffisant, une intervention chirurgicale doit être proposée.
Les techniques de correction conventionnelles consistent à réaliser une arthrodèse de l'articulation interphalangienne proximale, c'est-à-dire à retirer le cartilage et à placer des broches pendant que la zone cicatrise.
Les techniques mini-invasives ont récemment fait leur apparition. Elles sont excellentes pour les corrections par incisions minimales, sans broches, et préservent généralement l'articulation. Nous privilégions ces techniques. L'intervention requise dépend du type de déformation et diffère selon les cas. Si nécessaire, les tendons raccourcis seront soit allongés, soit sectionnés sélectivement afin de rétablir leur équilibre. Ces interventions peuvent être complétées par une section (ostéotomie) d'une ou plusieurs phalanges, afin de raccourcir et de réorienter l'orteil. Enfin, d'autres techniques peuvent être réalisées simultanément selon le type de déformation (capsulotomie, excision osseuse, etc.). Il est important de connaître les indications et les limites de ces techniques ; le chirurgien vous les expliquera en détail.
SUIVI POST-CHIRURGICAL
En cas de correction percutanée, le pansement est particulièrement important car il redirige parfaitement les orteils et assure leur cicatrisation en bonne position. Le chirurgien ou l'infirmière spécialisée changera le pansement une semaine et trois semaines après l'opération. L'orteil doit être guidé pendant six semaines.
Une chaussure orthopédique est fournie aux patients ; la marche est toutefois possible avec des chaussures larges et confortables (baskets, etc.).
La marche et la mise en charge complète sont possibles immédiatement après l'opération et dès que vous avez retrouvé le contrôle total de vos membres inférieurs (en cas d'anesthésie loco-régionale).
Un traitement de physiothérapie n’est généralement pas nécessaire, mais il est demandé aux patients de mobiliser eux-mêmes leurs orteils quotidiennement pour éviter l’apparition de raideurs.
La conduite d'un véhicule est autorisée après quelques semaines, après avoir retiré la chaussure médicale. Si un seul pied a été opéré, la conduite est autorisée immédiatement, à condition que la voiture soit à boîte automatique.
Un arrêt maladie de 1 à 4 semaines sera nécessaire, selon la technique chirurgicale et la profession du patient.
Les sports sans contact peuvent reprendre après six semaines. En général, toutes les activités peuvent reprendre à partir du troisième mois.
RISQUES ET COMPLICATIONS
Outre les complications possibles après tout type de chirurgie (thrombose, infection < 1 %, algodystrophie < 1 %), il est reconnu que le traitement de l'orteil en marteau comporte les risques et complications suivants :
- Récidive de la déformation . Cela dépendra de la gravité de la blessure, de la technique chirurgicale utilisée et de la cause de la déformation. Une nouvelle intervention chirurgicale peut être nécessaire.
- Lésion nerveuse . Relativement fréquente, mais généralement spontanément régressive.
- Perte de mobilité de l'orteil . La déformation étant due au raccourcissement des tendons, leur allongement ou leur section entraîne souvent une réduction de la mobilité. Cette sensation peut être temporaire et est généralement très bien tolérée.
- Raideur articulaire . Ce phénomène est fréquent et doit être limité par des exercices quotidiens, à commencer quelques semaines après l'intervention.